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Prévention de l’allo-immunisation rhésus-D
que faire entre la 8e et la 12e semaine d’aménorrhée ?

Élyanthe Nord | 1 mai 2025

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La prévention de l’allo-immunisation rhésus D chez les femmes rhésus négatif est importante en cas d’avortement spontané ou provoqué, de saignement ou de grossesse ectopique ou môlaire. Elle permettra d’éviter, lors de leurs futures grossesses, de graves complications potentielles pour l’enfant : anémie fœtale, hydrops foetalis et mortinaissance.

Avant huit semaines d’aménorrhée, l’administration d’immu­no­globulines anti-D ne serait pas nécessaire. Après douze semaines, elle le serait. Mais qu’en est-il entre ces deux périodes ?

« Entre huit et douze semaines d’aménorrhée chez une personne RhD négatif non sensibilisée, il est recommandé de ne pas administrer d’immunoglobulines anti-D », indiquent les nouvelles lignes directrices d’avril 2024 de la Société des gynécologues et obstétriciens du Canada (SOGC).

Auparavant, la SOGC préconisait l’administration d’immunoglobulines anti-D, peu importe l’âge gestationnel, à toute patiente rhésus négatif pouvant avoir un avortement spontané ou provoqué, une menace d’avortement ou une grossesse ectopique ou môlaire.

Que révèlent les études ? Les données concernant ce laps de temps sont de très faible qualité. Elles ne prouvent pas de manière irréfutable que l’administration d’immunoglobulines anti-D est inutile ni qu’à l’opposé, elle prévient l’allo-immunisation.

Position de la MFMQ

Les spécialistes du groupe de la Médecine fœto-maternelle du Québec (MFMQ) sont inquiets du changement de position de la SOGC. Leur association, au contraire, « recommande fortement, tout comme la Society of Maternal Fetal Medicine, de vérifier le groupe sanguin et d’administrer l’immunoglobuline anti-D pour toute patiente rhésus négatif avec avortement spontané ou interruption de grossesse à partir de huit semaines d’aménorrhée », indique leur communiqué.

Les membres de la MFMQ voient ces patientes, peu nombreu­ses, qui ont eu une allo-immunisation après un saignement antérieur au premier trimestre. « On se retrouve avec des grossesses très à risque qui nécessitent parfois un suivi très lourd », explique la Dre Audrey Ann Labrecque, spécialiste en médecine fœto-maternelle au CHU Sainte-Justine. Les futures mères doivent ainsi avoir des dosages réguliers d’anticorps, puis éventuellement des échographies pour diagnostiquer une anémie fœtale et, au besoin, une transfusion de sang in utero avec tous les risques que cela comporte. L’an dernier, l’une des patientes de la Dre Labrecque a dû recevoir cinq transfusions. « Chaque fois, c’est un événement extrêmement stressant. »

L’allo-immunisation rhésus D avant douze semaines reste cependant très rare. Mais le prix d’une dose d’immunoglobulines, d’un autre côté, n’est pas très élevé : 41 $.

La MFMQ choisit donc la prudence : l’administration d’une pro­phylaxie à partir de huit semaines. « En cas de doute sur l’âge gestationnel, on recommande de donner des immunoglobulines anti-D », précise la Dre Labrecque.

choix de la SOGC

La SOGC, pour sa part, affirme que ses recommandations sont semblables à celles de nombreux autres organismes, comme l’Organisation mondiale de la Santé, et de sociétés savantes dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, la France et les Pays-Bas.

La position de la SOCG repose sur les données probantes actuellement disponibles. Et aucune ne plaide clairement en faveur de la prophylaxie en début de grossesse.

Mais d’autres considérations justifient la position de la Société. « Sur le plan mondial, il y a une pénurie d’immunoglobulines anti-D. Au Canada, ce n’est pas le cas, mais en Australie, c’est extrêmement difficile d’en avoir, explique la Dre Diane Francœur, directrice de la SOGC. Si on avait une action à faire pour sauver le plus de mamans et de bébés avec les immunoglobulines anti-D dont on dispose, ce serait de les utiliser aux moments pour lesquels on a vraiment la preuve de leur efficacité : à 28 semaines et après l’accouchement. »

La Dre Francœur prône une vision plus large de l’emploi des immunoglobulines anti-D. « On les utilise de façon très égoïste, parce qu’on veut être sûr de tendre le plus possible vers un risque zéro. »

La SOGC encourage par ailleurs une prise de décision partagée avec la patiente. « Il faut donner des informations éclairées. Je pense que notre rôle est de rassurer la femme, non de l’inquiéter davantage », précise l’obstétricienne-gynécologue.

Les recommandations de la Société montrent par ailleurs une ouverture : « Chez les personnes qui ont une faible tolérance au risque, les immunoglobulines anti-D peuvent être envisagées », précisent-elles pour la période de huit à douze semaines.

La MFMQ aurait voulu plus. La question, globalement, n’est pas de l’ordre de la science, mais plutôt des valeurs et des priorités.