L’utilité des probiotiques ne se limite pas à la santé gastro-intestinale. Ils auraient des effets beaucoup plus vastes. Notamment sur le système immunitaire. Ils pourraient, par exemple, réduire de deux jours la fièvre chez les enfants atteints d’une infection des voies respiratoires supérieures.
Actuellement, il n’existe aucun traitement éprouvé pour ce type d’affection. « Les antipyrétiques diminuent temporairement la température corporelle, mais ne réduisent pas la durée globale de la fièvre. Les antibiotiques ne sont efficaces que pour un nombre limité d’infections des voies respiratoires supérieures », expliquent des chercheurs de Milan, Mme Silvia Bettocchi et ses collaborateurs, dans le JAMA Network Open1.
Les probiotiques, en revanche, pourraient être utiles. Les experts italiens l’ont montré à l’aide de trois espèces bactériennes :
- Bifidobacterium breve ;
- Bifidobacterium lactis ;
- Lactobacillus rhamnosus.
Les chercheurs ont mené un essai clinique à répartition aléatoire à double insu dans un hôpital pédiatrique de Milan. Ils ont recruté 128 enfants âgés de 28 jours à 4 ans qui avaient été amenés aux urgences pour une infection des voies respiratoires supérieures et qui présentaient une fièvre d’au moins 38,5 C.
Les petits patients ont été distribués au hasard dans un groupe où ils recevaient soit un produit contenant les trois bactéries étudiées, soit un placebo. Les préparations, qui devaient être prises pendant 14 jours, étaient offertes, selon l’âge de l’enfant et sa préférence, sous forme de sachets ou de gouttes d’huile.
Une fois à la maison, les parents devaient prendre la température rectale de l’enfant au moins trois fois par jour jusqu’à la disparition de la fièvre. Le critère d’évaluation principal était la durée de la température.
Deux jours de fièvre de moins
Les résultats sont surprenants. La durée médiane de la fièvre chez les enfants traités par un mélange de bifidobactéries et de lactobacilles a été de trois jours contre cinq chez les sujets témoins. Une différence statistiquement significative de deux jours (P 0,001).

« Une diminution d’une journée aurait déjà été beaucoup. Mais une différence de deux est vraiment bonne », estime le Dr Prévost Jantchou, gastro-entérologue et pédiatre au CHU Sainte-Justine.
Le spécialiste, qui s’intéresse notamment aux probiotiques, a été frappé par la vitesse d’action des bactéries. « Dans un essai comme celui-ci, on peut imaginer que l’effet prompt sur la fièvre passe par l’implantation immédiate des probiotiques dans l’intestin et la mise en place rapide de mécanismes biologiques. Dans les études, on voit que l’administration de probiotiques peut produire des modifications dans le microbiome dans un délai aussi court que 24 heures. Si le résultat de ce traitement avec les trois souches est reproduit dans d’autres études, ce sera vraiment intéressant », affirme le Dr Jantchou.
L’essai clinique a été bien conçu, juge le médecin, également chercheur au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et professeur agrégé à l’Université de Montréal. « Le seul point que l’on peut critiquer dans la méthode est la mesure de la fièvre, critère de jugement principal. Les chercheurs l’ont confiée aux parents. Lorsqu’on fait une étude, le critère de jugement doit être irréprochable. On peut dire que la prise de la température n’est pas difficile à effectuer, mais elle n’a quand même pas été faite par le même observateur pour tous les participants », souligne-t-il.
La durée médiane de la fièvre chez les enfants traités par un mélange de bifidobactéries et de lactobacilles a été de trois jours contre cinq chez les sujets témoins. Une différence statistiquement significative.
Des effets immunomodulateurs
Que sont Bifidobacterium breve, Bifidobacterium lactis et Lactobacillus rhamnosus ? « Ces bactéries sont étudiées pour plusieurs indications, affirme le Dr Jantchou. Les bifidobactéries, pour leur part, sont souvent associées au lait maternel qui entraîne une production importante de ces dernières. Ce fait a été montré dans des études chez les nouveau-nés. Lactobacillus rhamnosus, lui, est une souche très étudiée en prévention. Il a été testé pour différentes indications, notamment pour la diminution des diarrhées après la prise d’antibiotiques. »
Ces micro-organismes ont ainsi différentes actions. « Ils peuvent par ailleurs produire des métabolites susceptibles de voyager et d’agir ailleurs dans le corps. »
Mais comment les probiotiques réduisent-ils précisément la fièvre ? De plus en plus de données montrent qu’ils pourraient avoir des effets immunomodulateurs, mentionnent Mme Bettocchi et ses collaborateurs. Plusieurs mécanismes d’action seraient possibles.
Les probiotiques pourraient ainsi accroître l’immunité humorale et augmenter la production d’anticorps, comme les immunoglobulines A, G et M. « Cet aspect rappelle les bienfaits de l’allaitement maternel. Ce dernier stimule la croissance de bactéries qui favorisent la production d’anticorps dans les intestins », précise le Dr Jantchou. Une étude a aussi révélé que les probiotiques pourraient avoir une action antivirale contre les virus respiratoires courants, comme le rhinovirus, le virus respiratoire syncytial, celui de la grippe et le coronavirus. Les interleukines pourraient également être visées. « Des études antérieures ont montré que les espèces de probiotiques utilisées dans cet essai, comme les bifidobactéries et les lactobacilles, peuvent moduler l’expression de l’interleukine 1, de l’interleukine 6 et du facteur de nécrose tumorale, qui jouent un rôle clé dans l’apparition de la fièvre », expliquent Mme Bettocchi et son équipe.
Les probiotiques pourraient accroître l’immunité humorale et augmenter la production d’anticorps, comme les immunoglobulines A, G et M.
Les différents microbiomes
Le Dr Jantchou prescrit lui aussi à l’occasion des probiotiques. Par exemple pour la diarrhée du voyageur. « D’autres indications sont le traitement des coliques chez le nourrisson et la prévention de l’entérocolite, notamment chez le prématuré. Dans ce dernier cas, les probiotiques peuvent en diminuer l’incidence de moitié. »
L’étude italienne, de son côté, met en lumière un nouvel aspect de certains probiotiques. Ainsi, grâce aux liens entre microbiome intestinal, processus inflammatoires et réponse immunitaire, le rôle de ces micro-organismes dans les maladies infectieuses pourrait ne pas se limiter au tractus gastro-intestinal.
Le microbiome à lui seul est par ailleurs un monde très vaste. « Il peut toucher quasiment toutes les spécialités de la médecine, en particulier pour les maladies chroniques, mais aussi pour les maladies aiguës. Cela va de problèmes comme le côlon irritable et l’infection à Clostridium difficile jusqu’à des affections comme l’asthme ou l’Alzheimer. Beaucoup de travaux ont été publiés sur le microbiome. » Le microbiome intestinal, avec ses 2 kg de microbes, a par ailleurs beaucoup attiré l’attention, mais il n’est pas seul. « Il y a également les microbiomes buccal, cutané et vaginal. Il est possible qu’eux aussi jouent des rôles importants dans la santé. »
bibliographie
1. Bettocchi S, Comotti A, Elli M et coll. Probiotics and fever duration in children with upper respiratory tract infections: a randomized clinical trial. JAMA Network Open 2025 ; 8 (3) : e250669. DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2025.0669.