L’acupuncture est-elle efficace contre les sciatalgies chroniques ? Beaucoup l’assurent. Mais un essai clinique contrôlé à répartition aléatoire, publié dans le JAMA Internal Medicine, le montre1. Ses données prouvent que l’acupuncture permet à la fois de diminuer la douleur du patient et d’améliorer son fonctionnement.
L’essai clinique, mené par le Dr Tu JianFeng, a été effectué dans six hôpitaux tertiaires de Chine. Les 216 participants, âgés en moyenne de 51 ans, souffraient d’une sciatalgie chronique causée par une hernie discale. Ils évaluaient leur douleur à la jambe à 60 sur 100 sur l’échelle visuelle analogique.
Les patients ont été répartis au hasard en deux groupes. Cent huit ont reçu des traitements d’acupuncture et 108 ont eu des séances simulant cette technique. Les aiguilles étaient insérées dans des blocs de mousse et perçaient la peau des sujets du groupe expérimental, mais pas des participants témoins, à l’exception d’une seule aiguille, pour mieux imiter le véritable traitement.
Pendant quatre semaines, les participants ont eu un total de dix séances. Les acupuncteurs utilisaient sept points d’acupuncture chaque fois. Selon les questionnaires auquel les sujets ont répondu à divers moments, ils semblaient ignorer le traitement qu’ils recevaient. Les évaluateurs ne le connaissaient pas non plus.
Dès la deuxième semaine, une différence entre les groupes a commencé à apparaître. À la semaine 4, la douleur à la jambe des patients qui avaient été traités par acupuncture avait diminué de 30,8 mm selon l’échelle visuelle analogique contre 14,9 mm dans le groupe témoin. L'écart est statistiquement significatif (P 0,001).
Le fonctionnement, qui a aussi été évalué, a été mesuré par l’indice d’incapacité d’Oswestry (capacité de marcher, de s’asseoir, de dormir, etc.). Ce score d’invalidité a décru de 13 mm dans le groupe acupuncture et de 4,9 mm chez les sujets témoins, une variation de 8,1 mm (P 0,001).
À la 52 semaine, la différence entre les deux groupes persistait encore, tant pour la douleur que pour le fonctionnement (P 0,003). Les effets indésirables de l’acupuncture ont par ailleurs été minimes : hémorragies sous-cutanées et petits saignements.
Une étude solide

Les résultats de l’étude chinoise sont très intéressants, estime le Dr Ariel Masetto, professeur agrégé de clinique au Service de rhumatologie de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke. « La douleur du groupe traité par acupuncture a baissé de moitié. Si les patients sont assez bien pour continuer à faire leurs activités, à suivre leurs traitements de physiothérapie et à vivre sans limitation importante, c’est un grand gain. La différence entre la réduction de la douleur dans le groupe traité et dans le groupe témoin était par ailleurs de 15 points, ce qui est cliniquement significatif, selon la littérature. »
Le soulagement s’est, en outre, maintenu pendant tout le suivi d’un an. « C’est très intéressant aussi. Cependant, même dans le groupe témoin, il a eu une diminution de 15 points qui a également persisté », note le rhumatologue du CIUSSS de l’Estrie-CHUS.
Sur le plan méthodologique, l’étude est solide. « Des méta-analyses avaient déjà montré que l’acupuncture avait un effet bénéfique, mais les études étaient de moins bonne qualité. Cette fois-ci, les chercheurs, qui avaient un budget suffisant, ont vraiment fait une étude répondant à des normes de qualité élevées. »
Un traitement de première intention, comme la physiothérapie
L’acupuncture n’est pas un traitement ésotérique, souligne le Dr Masetto. « Même si elle repose sur la médecine orientale, son fonctionnement s’explique sur le plan neurophysiologique. Quand on stimule un point d’acupuncture avec une aiguille, on stimule les fibres nerveuses A delta et C. Cette stimulation active les neurones inhibiteurs de la corne dorsale de la moelle épinière et réduit ainsi la transmission de signaux douloureux vers le cerveau. Ce mécanisme est connu sous le nom de contrôle du portillon 2 », précise le médecin.
Peut-on prescrire l’acupuncture comme traitement de première intention pour une sciatalgie ? Généralement, le premier traitement recommandé est la physiothérapie accompagnée, au besoin, d’une pharmacothérapie. « Souvent, on va donner des médicaments qui agissent sur les nerfs, tels que les antidépresseurs tricycliques comme l’amitriptyline ou des anticonvulsivants comme la gabapentine, mais surtout, la prégabaline. Ces médicaments modulent la conduction nerveuse. Ainsi, la racine nerveuse, qui est irritée, sera électriquement moins activée, ce qui peut calmer la sciatalgie », précise le spécialiste.
Le traitement de deuxième intention est le bloc épidural. « S’il ne fonctionne pas, la prochaine étape est une chirurgie décompressive de la colonne. »
À quel moment alors essayer l’acupuncture ? « Dans la séquence des traitements, elle pourrait certainement être mise sur le même plan que la physiothérapie. Si le soulagement apporté n’est pas suffisant, on pourrait alors proposer des traitements médicamenteux », indique le Dr Masetto.
L’acupuncture pourrait par ailleurs être particulièrement bénéfique chez les personnes âgées. « Chez elles, les antidépresseurs tricycliques et les antiépileptiques peuvent avoir des effets cognitifs importants, dont la somnolence, des troubles de mémoire, des problèmes de fonctionnement, et peuvent provoquer des chutes. Il faut donc donner ces médicaments à très petites doses. »
L’acupuncture a cependant un inconvénient substantiel : son coût. « Ce sont des soins non couverts », souligne le rhumatologue. Mais bien des assurances en remboursent une partie. Le prix d’une séance d’acupuncture varie généralement de 80 $ à 110 $, selon l’Ordre des acupuncteurs du Québec.

Bibliographie
1. Tu J, Shi G, Yan S et coll. Acupuncture vs sham acupuncture for chronic sciatica from herniated disk: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2024 : 184 (12) : 1417-24. DOI : 10.1001/jamainternmed.2024.5463.
2. Fan Z, Dou B, Wang J et coll. Effects and mechanisms of acupuncture analgesia mediated by afferent nerves in acupoint microenvironments. Front Neurosci 2024 ; 17 : 1239839. DOI : 10.3389/fnins.2023.1239839.