Éditorial

Médecins en mouvement, gouvernement stagnant

Marc-André Amyot | 1 mai 2025

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Chaque médecin de famille tisse des liens uniques avec ses patients, du début à la fin de leur vie. Chacun œuvre dans une multitude de domaines. Vous êtes partout. Spécialistes de toute la personne et de toute sa complexité. Dévoués, passionnés, rigoureux, attentionnés. Vous y consacrez d’innombrables heures invisibles.

Et on ne le répète pas assez.

De son côté, au cours des dernières années, le gouvernement québécois multiplie les réformes de structure et les avenues coercitives, comme si cela suffisait à résoudre les problèmes d’accès aux soins. Il alourdit la machine, empile les couches de gestion et détourne trop souvent l’attention de ce qui compte vraiment : les patients.

Des leaders en mouvement

En plus de leur carrière clinique, les médecins de famille du Québec sont aussi des leaders dans la transformation et sont ainsi à l’origine d’une foule de changements. Depuis la pandémie, ils n’ont jamais présenté autant de solutions. Ils sont engagés activement dans leurs communautés et déterminés à faire bouger les choses.

Ils ont exploré le modèle d’organisation des soins et pérennisé la téléconsultation. L’année suivante, ils ont proposé l’entente sur l’accès aux soins et l’inscription collective, menant à la création du Guichet d’accès à la première ligne (GAP). Ils ont contribué à l’élargissement de la collaboration interprofessionnelle en mettant de l’avant des solutions innovantes et prometteuses, respectueuses du rôle de chacun.

En 2023, sans attendre la constitution du comité d’experts qui a vu le jour en 2025, les médecins de famille ont entrepris des travaux sur la réorganisation des soins de première ligne, appuyés par des experts neutres en la matière.

Les médecins de famille proposent des solutions concrètes, ancrées dans la réalité du terrain pour offrir davantage d’accès à des services de première ligne dignes de ce nom.

Leur main tendue reste toutefois souvent suspendue, comme si on ne leur faisait pas confiance. Difficile de collaborer quand l’autre ne lit pas la même réalité que nous sur le terrain.

« Ne pas en avoir pour son argent »

« L’autre », c’est ce gouvernement qui a la fâcheuse habitude de dénigrer, d’imposer et de multiplier les dédoublements lorsque des situations difficiles se présentent au lieu de collaborer et de peut-être simplement… faire confiance aux voix sur le terrain.

Mentionnons quelques exemples de cette attitude indigne du gouvernement envers les médecins de famille. Le projet de loi 11, qui n’accroîtra pas l’accessibilité aux soins, ouvre la porte à la surveillance des médecins par l’entremise de leurs renseignements personnels. On peut aussi nommer la nouvelle Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace (ancien projet de loi 15) qui comporte des risques graves pour l’autonomie professionnelle des médecins de famille, pour leur engagement et pour leur droit à la négociation. Et n’oublions pas la reprise, par le gouvernement l’an dernier, d’un langage guerrier à l’endroit des médecins de famille, sans compter son refus d’alors de reconduire l’entente sur l’accès, un succès tangible qui avait pourtant permis d’offrir plus d’un million de rendez-vous aux patients orphelins.

Les exemples du mammouth administratif grassement nourri et devenu incontrôlable pleuvent : transformations administratives à répétition, nouveaux comités, etc. Santé Québec, produit d’une énième réingénierie du réseau, n’a pas encore montré sa capacité réelle à mieux organiser les soins, empêtrée qu’elle est, des mois plus tard, à se mettre véritablement en marche.

Il est indécent, dans un contexte de déficit budgétaire entraînant des réductions de services, de vieillissement de la population, de pénurie de médecins de famille et d’autres professionnels sur le terrain, d’accroître autant la bureaucratie !

Le gouvernement aime répéter que « les Québécois n’en ont pas pour leur argent ». Nous sommes d’accord. Les Québécois n’en ont pas pour leur argent. Et ils méritent mieux. Ils méritent plus que des réformes de structure, des cadres en surnombre et des dépenses hors de contrôle.

Les patients méritent une première ligne forte, humaine, efficace. Ils méritent des médecins de famille visibles, écoutés, reconnus pour ce qu’ils sont vraiment : des experts du quotidien, des piliers des soins de proximité, des alliés dans les moments de vulnérabilité comme dans les suivis de longue haleine.

Parce que derrière chacun de vous, il y a plus qu’un professionnel. Il y a un humain en mouvement au service d’autres humains.

 

Le 1er mai 2025

Marc-André Amyot

Président de la FMOQ,
Dr Marc-André Amyot