Hors série

Hors série – Vaccination contre la COVID-19

Dre Maryse Guay, Dre Dominique Biron, Dre Chantal Sauvageau, Dr Bruno Turmel | 1 janvier 2021

Le virus SRAS-CoV-2 a bouleversé la planète entière. Il a fauché des milliers de vies et laissé des traces chez d’autres personnes. Il a forcé l’humain à s’adapter, à se réinventer et à créer. La préparation des nouveaux vaccins s’est faite en un temps record. Allons voir ce qu’il en retourne.



La Dre Maryse Guay, spécialiste en santé publique et médecine préventive, est médecin-conseil à la Direction de santé publique de la Montérégie et membre active du CIQ. La Dre Dominique Biron, omnipraticienne, est membre de liaison du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ). Elle y représente la FMOQ. La Dre Chantal Sauvageau, spécialiste en santé publique et médecine préventive, est médecin-conseil à l’INSPQ et membre active du CIQ. Le Dr Bruno Turmel, omnipraticien, travaille au Service de prévention et de contrôle des maladies infectieuses de la Direction régionale de santé publique de Montréal.

Mme Charbonneau, 80 ans, vit dans une résidence privée pour aînés (RPA). Elle est très inquiète de la COVID-19. Elle aimerait savoir s’il y aura un vaccin pour elle.

M. Bélanger, 55 ans, souffre de diabète, d’hypertension artérielle et d’obésité. La COVID-19 ne l’inquiète pas du tout. Il vous dit que c’est une maladie pour les gens vivant en CHSLD. Il ne veut pas se faire vacciner contre la COVID-19.

Que leur dites-vous ?

Plus de 200 vaccins contre la COVID-19 sont en développement dans le monde1, dont certains s’appuient sur de nouvelles technologies comme les vaccins à ARN messager ou à ADN ou encore ceux qui emploient un vecteur viral avec ou sans multiplication. Enfin, d’autres sont des vaccins inactivés ou vivants atténués (tableau I 1).

Chaque vaccin a ses particularités, notamment en ce qui concerne les modalités de conservation, l’administration et la posologie (une ou deux doses pour assurer une protection). Chose certaine, on ne sait pas pour l’instant quelle sera la durée de la protection conférée ni si une immunité collective en découlera2.

Au cours de leur développement, les vaccins sont évalués dans des essais de différentes phases.

Études précliniques

h Études en laboratoire pour sélectionner l’antigène approprié susceptible de stimuler la réponse immunitaire, ainsi qu’un adjuvant au besoin, pour déterminer la posologie ainsi que pour montrer l’innocuité et l’immunogénicité du vaccin sur des modèles animaux.

Essais cliniques

h Essais de phase I

– Essais menés auprès d’un petit nombre de volontaires en bonne santé (entre 10 et 100) pour évaluer l’innocuité du produit chez l’humain, pour déterminer la posologie, pour établir le calendrier de vaccination et pour connaître la réponse immunitaire.

h Essais de phase II

– Essais menés auprès d’un plus grand nombre de personnes (entre 50 et 500) du groupe d’âge visé par la vaccination pour confirmer l’immunogénicité et l’inno­cuité du vaccin ainsi que pour déterminer le calendrier et les doses optimales.

h Essais de phase III

– Essais menés auprès d’un nombre important de personnes (plusieurs milliers ou dizaines de milliers) faisant partie de la population ciblée et dans plusieurs endroits dans le monde pour évaluer l’efficacité du vaccin à prévenir la maladie et s’assurer qu’il n’y a pas de manifestations cliniques indésirables non détectées dans les phases I et II.

Pour les vaccins contre la COVID-19, toutes ces phases ont eu lieu, mais parfois en parallèle. Par exemple, en raison du contexte d’urgence pandémique, certaines entreprises biopharmaceutiques ont amorcé le processus de fabrication de grandes quantités de vaccins avant la fin des essais de phase III, prenant le risque de devoir les détruire dans l’éventualité de résultats non concluants.

Tableau I - on piq

Étant donné la capacité limitée de production au Canada, le gouvernement fédéral a signé des accords d’achat anticipé avec plusieurs sociétés biopharmaceutiques productrices de vaccins. Bien que les détails de ces ententes ne soient pas publics, les premiers vaccins ont été distribués au Québec dès décembre et continueront de l’être progressivement en 2021.

Pour obtenir les dernières informations sur les vaccins contre la COVID-19 offerts au Canada, consultez le Protocole d’immunisation du Québec (https://bit.ly/COVID-ARNm). Devant les nombreuses incertitudes liées au nombre de doses de vaccins disponibles et à la cadence à laquelle nous les recevrons, les autorités de santé publique ont établi un ordre de priorité permettant d’en guider l’admi­nistration chez les divers groupes ciblés3 (tableau II ).

Les valeurs de bienfaisance, d’équité, de justice, de réciprocité et de non-malfaisance ont orienté la stratégie de priorisation du programme québécois d’immunisation contre la COVID-19. Cette stratégie repose sur l’objectif premier de prévenir des maladies graves et des décès et tient compte du fait que l’âge est le principal facteur de risque de complications et de décès4.

Ainsi, les personnes vulnérables et en grande perte d’autonomie en CHSLD sont d’abord ciblées, suivies des travailleurs de la santé. Les personnes qui vivent en RPA, comme Mme Charbonneau, seront ensuite visées. Les autres groupes seront vaccinés selon les critères énoncés et selon leurs risques de présenter des complications ou de décéder de la COVID-19. L’ordre pourra être modifié selon les caractéristiques des vaccins disponibles.

Même si plusieurs personnes attendent cette vaccination avec impatience, d’autres, comme M. Bélanger, hésitent à se faire vacciner ou refusent carrément le vaccin, bien qu’elles soient à risque et qu’elles fassent partie des groupes prioritaires.

Le mouvement d’hésitation vaccinale percole jusque vers la vaccination contre la COVID-19. Une différence notable toutefois avec la réticence à la vaccination qui prévalait avant la pandémie concerne l’argument que la menace de la maladie est peu présente. Par ailleurs, les craintes relatives à l’innocuité des vaccins, qui constituent un élément important de la rhétorique antivaccin, sont encouragées par le fait que les vaccins contre la COVID-19 sont nouveaux et qu’on a peu de recul sur leur utilisation, ce qui est indéniable.

La solution devant une telle situation reste l’écoute empathique et le dialogue pour permettre aux personnes hésitantes de s’exprimer et de trouver des réponses à leurs questions5.

La lutte contre la COVID-19 n’est pas gagnée, mais l’arrivée des vaccins représente une avancée prometteuse dans laquelle tous devront s’engager.

Mme Charbonneau peut être rassurée, elle fait partie des groupes prioritaires. Quand viendra le tour du groupe dont M. Bélanger fait partie, ce dernier aura eu l’occasion de discuter de ses préoccupations avec son médecin. Espérons qu’il sera maintenant en mesure de prendre une décision éclairée. //

Tableau II - on piq

Bibliographie

1. Organisation mondiale de la Santé. Draft landscape of COVID-19 candidate vaccines. Genève : OMS ; 2020. 12 pages.

2. Comité sur l’immunisation du Québec. Caractéristiques des vaccins candidats contre la COVID-19 et enjeux relatifs à leur utilisation au Québec. Québec : INSPQ ; 2020.

3. K Young, Ismail SJ, Tunis MC et coll. Orientations sur l’administration prioritaire des premières doses du vaccin contre la COVID-19. Ottawa : Comité consultatif national de l’immunisation ; 2020.

4. Comité sur l’immunisation du Québec. Avis préliminaire sur les groupes prioritaires pour la vaccination contre la COVID-19 au Québec. Québec : INSPQ ; 2020. 78 pages.

5. Guay M, Brousseau N, Farrands A. Parents hésitants : un peu, beaucoup, passionnément ! Le Médecin du Québec. 2019 ; 54 (12) : 29-33.