
Le Dr Guillaume Voghel, médecin de famille, est professeur adjoint de clinique à l’Université de Montréal. Il pratique à la clinique universitaire de médecine familiale de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval. La Dre Maryse Landry Gagné est résidente 5 en psychiatrie à l’Université de Montréal. Mme Catherine Pagé Béchard est pharmacienne à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval ainsi qu’à la clinique universitaire de médecine familiale du même hôpital. |
Vous voulez prescrire du brexpiprazole ? Lisez ce qui suit !
Le brexpiprazole est un proche cousin de l’aripiprazole, comme son nom l’indique. Ces molécules se distinguent des autres antipsychotiques, car elles sont toutes deux des agonistes partiels des récepteurs dopaminergiques D2 et sérotoninergiques 5-HT1A, en plus d’être des antagonistes sérotoninergiques 5-HT2A. Or, le brexpiprazole a une affinité plus puissante pour les récepteurs sérotoninergiques et entraîne moins d’activité intrinsèque aux récepteurs D2. Ces différences d’affinités, ainsi que d’autres, lui conféreraient un profil d’effets indésirables différent2.
Depuis les récentes modifications aux lignes directrices du Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT)1, l’aripiprazole figure parmi les médicaments de première intention dans le traitement de la manie aiguë et comme traitement de maintien de la maladie affective bipolaire. Le brexpiprazole n’y est toujours pas pour l’instant puisqu’il n’était pas encore commercialisé. Les lignes directrices CANMAT de 2016 sur le traitement de la dépression majeure placent le brexpiprazole en deuxième intention comme adjuvant aux antidépresseurs.
Ces deux molécules semblent avoir une efficacité similaire dans la prise en charge de la schizophrénie aiguë, comme le montrent les améliorations notées dans les échelles habituelles (Positive and Negative Syndrome Scale ou PANSS et Clinical Global Impression-Severity of Illness ou CGI-S)2. Toutefois, d’autres études de non-infériorité seraient utiles pour consolider l’efficacité du brexpiprazole, tant en phase aiguë qu’en traitement d’entretien.
Quelques outils pour vous aider à prescrire du brexpiprazole
Les ajustements posologiques du brexpiprazole sont indiqués dans le tableau I3. Les doses étudiées pour la dépression majeure sont différentes de celles pour la schizophrénie. Le lecteur peut consulter la monographie américaine pour les détails. Par ailleurs, étant donné qu’il est métabolisé par le foie (principalement par les isoenzymes CYP2D6 et CYP3A4 du cytochrome P450) et que son élimination se fait par voie rénale, des ajustements posologiques sont à prévoir en cas d’insuffisances hépatique et rénale3.

Il faut aussi noter que la demi-vie du brexpiprazole est particulièrement longue (91 heures). Il serait donc préférable, à notre avis, d’attendre au moins deux ou trois semaines avant d’évaluer l’efficacité afin que l’état d’équilibre soit atteint3. Les ajustements posologiques subséquents devraient en tenir compte, contrairement à ce que pourrait laisser croire l’ajustement posologique rapide indiqué dans la monographie. Contrairement à l’aripiprazole, qui peut s’administrer par voie intramusculaire sous une forme à libération prolongée (Abilify Maintena), le brexpiprazole n’est actuellement offert qu’en comprimés. On recommande une prise uniquotidienne le matin (pour son effet potentiellement « activateur »), avec ou sans nourriture.
Les pièges à éviter...
Le prescrire aux enfants, aux aînés, aux personnes atteintes de démence ainsi qu’aux femmes enceintes et allaitantes.
Comme son innocuité et son efficacité n’ont été établies que chez des adultes de 18 à 65 ans, ce médicament s’adresse donc uniquement à cette population. Il faut se rappeler la mise en garde quant à un risque accru de mortalité chez les personnes âgées atteintes de démence traitées par un antipsychotique atypique. De plus, comme aucune étude clinique n’a été menée sur les effets tératogènes et la transmission dans le lait maternel, on recommande de n’utiliser le brexpiprazole que si les bienfaits escomptés chez la mère l’emportent clairement sur les risques pour le fœtus ou l’enfant allaité.
Je fais une réaction, est-ce que ce sont mes pilules ?
Le profil d’effets indésirables du brexpiprazole est comparable à celui de l’aripiprazole (tableau II5). Cependant, le risque de prise de poids serait inférieur à celui des antipsychotiques atypiques habituels qui en causent le plus, soit l’olanzapine, la quétiapine et la clozapine. L’akathisie demeure un des effets indésirables les plus fréquents, comme c’est le cas avec l’aripiprazole, mais certaines données semblent indiquer qu’elle pourrait être moins présente avec le brexpiprazole4.

Y a-t-il une interaction avec mes autres médicaments ?
Des interactions médicamenteuses sont à surveiller lorsqu’il y a prise concomitante de molécules qui induisent ou inhibent les isoenzymes CYP2D6 (bupropion, fluoxétine, paroxétine, etc.) et CYP3A4 (kétoconazole, voriconazole, clarithromycine, inhibiteur de protéase, etc.)3.
Par ailleurs, comme il y a un risque d’allongement de l’intervalle QT par la prise unique du brexpiprazole, même si cet allongement ne semble pas être cliniquement significatif, il faut toujours rester vigilant lorsqu’il y a une accumulation de médicaments allongeant l’intervalle QT4.
Et le prix ? Est-ce sur la liste ou pas ?
Le brexpiprazole n’est actuellement pas couvert par la RAMQ. Il demeure toutefois possible de faire une demande de patient d’exception. Pour ce qui est du prix, le brexpiprazole coûte environ 125,50 $ par mois, peu importe la posologie prescrite. À titre comparatif, la formule générique de l’aripiprazole, couverte par la RAMQ, se détaille entre 25 $ et 35 $ par mois, ce qui constitue une différence de prix considérable.
Conclusion
Le brexpiprazole, un nouvel antipsychotique atypique, constitue une option supplémentaire à notre arsenal thérapeutique contre la schizophrénie et la dépression majeure (cette dernière indication doit être approuvée au Canada). Même si la valeur ajoutée du brexpiprazole comparativement à l’aripiprazole est discutable, il n’en demeure pas moins que l’arrivée d’une nouvelle molécule efficace dont le profil d’effets indésirables permet certaines nuances est tout à fait salutaire.
De plus, des travaux de recherche sur le brexpiprazole ont lieu actuellement dans le traitement du trouble de stress post-traumatique et de l’agitation chez les personnes atteintes de démence de type Alzheimer4. Il devient donc intéressant de suivre l’avenir prochain de cette molécule. //
Ce que vous devez retenir
h Le brexpiprazole est un nouvel antipsychotique atypique utile dans le traitement de la schizophrénie chez les adultes de 18 à 65 ans.
h Bien que le brexpiprazole soit autorisé aux États-Unis comme traitement d’appoint de la dépression, cette indication n’est pas reconnue par Santé Canada pour le moment.
h En raison de la demi-vie particulièrement longue du brexpiprazole (91 h), il est préférable d’attendre deux ou trois semaines afin d’en évaluer l’efficacité.
Les Drs Guillaume Voghel et Maryse Landry Gagné et Mme Catherine Pagé Béchard n’ont signalé aucun conflit d’intérêts.
Bibliographie
1. Yatham LN, Kennedy SH, Parikh SV et coll. Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) and International Society for Bipolar Disorders (ISBD) 2018 guidelines for the management of patients with bipolar disorder. Bipolar Disord 2018 ; 20 (2) : 97-170.
2. Correl CU, Skuban A, Hobart M et coll. Efficacy of brexpiprazole in patients with acute schizophrenia: Review of three randomized, double-blind, placebo-controlled studies. Schizophrenia Res 2016 ; 174 (1-3) : 82-92.
3. Otsuka Canada Pharmaceutical. Monographie de Rexulti (brexpiprazole). Tokyo-Montréal : Otsuka-Lundbeck ; 2017. 50 p.
4. Citrome L. Brexpiprazole for schizophrenia and as adjunct for major depressive disorder: a systematic review of the efficacy and safety profile for this newly approved antipsychotic – What is the number needed to treat, number needed to harm and likelihood to be helped or harmed? Int J Clin Pract 2015 ; 69( 9) : 978-97.
5. Diefenderfer LA, Luppa C. Brexpiprazole: a review of a new treatment option for schizophrenia and major depressive disorder. Ment Health Clin 2018 ; 7 (5) : 207-12.