Formation continue

1. Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeæ
bien dépister pour bien traiter

Sylvie Venne et Annie-Claude Labbé | 1 octobre 2016

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Personne n’a envie de constater qu’un traitement n’a pas été efficace ou qu’une personne qui a reçu un traitement adéquat se réinfecte en quelques semaines, voire en quelques jours ! Comment diminuer ce risque ? Bien dépister et bien traiter ces infections ne relèvent pas d’un acte réflexe, mais d’un acte réfléchi. De la détection à la notification des partenaires, chaque étape constitue un maillon essentiel du succès du traitement.

La Dre Sylvie Venne, omnipraticienne, est médecin-conseil au Service de lutte contre les ITSS du ministère de la Santé et des Services sociaux. Elle est membre du comité sur les analyses de laboratoire en lien avec les ITSS (CALI) de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). La Dre Annie-Claude Labbé, microbiologiste-infectiologue, pratique à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Elle préside le CALI et est membre du comité sur les ITSS de l’INSPQ.

Cas no 1

Josée vous consulte à la suite d’un appel de la Direction de santé publique. Son partenaire a été traité hier pour une infection gonococcique. Vous lui prescrivez un traitement épidémiologique (céfixime, 800 mg, et azithromycine, 1 g) et effectuez un prélèvement vaginal pour la recherche de Chlamydia trachomatis et de Neisseria gonorrhoeæ par test d’amplification des acides nucléiques (TAAN) et une culture endocervical. Vous dépistez les autres ITSS en fonction de ses facteurs de risque. Le résultat du TAAN confirme la présence de Neisseria gonorrhoeæ. Josée revient trois semaines plus tard pour des pertes vaginales. Elle affirme avoir pris le traitement et n’avoir eu aucun nouveau partenaire. La recherche de Neisseria gonorrhoeæ par culture et par TAAN au niveau du col est positive. Que s’est-il passé ?

Au moment de la consultation initiale, quelques questions sur ses pratiques sexuelles vous auraient appris que Josée a eu des relations orales. Oups ! Une culture de gorge pour Neisseria gonorrhoeæ vous aurait peut-être révélé qu’elle avait aussi une infection pharyngée plus difficile à éradiquer et répondant moins bien au traitement que vous lui avez prescrit. Elle a donc pu réinfecter son partenaire lors de relations orales, et ce dernier lui a probablement retransmis l’infection lors de relations génitales.

1. Où faire le prélèvement lors d’un dépistage ?

Si le dépistage est indiqué, les endroits du corps où faire le prélèvement (sites de prélèvement) varient selon l’infection recherchée, le sexe, les endroits exposés (repérés à partir des pratiques sexuelles) et la disponibilité des analyses de laboratoire pour l’infection en question (tableau I1). Lorsque la personne présente des symptômes, des prélèvements seront effectués où les symptômes se font sentir, mais aussi aux autres endroits exposés.

L’interprétation des résultats doit tenir compte de la fin de la « période fenêtre » (moment où l’infection peut être détectée chez la majorité des personnes infectées) : quatorze jours pour Chla­mydia trachomatis et sept jours pour Neisseria gonorrhoeæ. Un test effectué avant l’expiration de ce délai peut donner un résultat faussement négatif2.

2. TAAN ou culture ?

Les TAAN sont plus sensibles que la culture. Contrairement à la culture, les TAAN peuvent généralement être faits à partir d’échantillons d’urine ou de sécrétions vaginales que la personne peut prélever elle-même. Il est nécessaire de vérifier les échantillons acceptés par votre laboratoire (certaines trousses utilisées au Québec ne permettent pas le prélèvement des sécrétions vaginales). Pour la détection de l’infection gonococcique, la culture donne une souche pour l’analyse de sensibilité aux antibiotiques.

Dépistage (en l’absence de symptômes)

Les TAAN sont les seules analyses re­commandées pour le dépistage de Chlamydia trachomatis et sont privilé­giés pour celui de Neisseria go­norr­hoeæ dans la majorité des cas. Si le TAAN confirme la présence de Neisseria gonorrhoeæ, une culture devrait être faite avant de commencer le traitement (tant que cela ne le retarde pas) afin d’obtenir une souche pouvant être soumise à des analyses de sensibilité aux antibiotiques.

Même s’ils ne sont pas homologués à cette fin, les TAAN pour la recherche de Chlamydia trachomatis ou de Neisseria gonorrhoeæ sont recommandées dans certains cas pour le dépistage d’infections anales (Chlamydia trachomatis ou Neisseria gonorrhoeæ) ou pharyngées (Neisseria gonorrhoeæ). Puisque le dépistage des infections par TAAN à partir de prélèvements extragénitaux présente des avantages substantiels chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’au­tres hommes (HARSAH) et chez les travailleuses du sexe, l’utilisation des TAAN pour le dépistage d’infections ex­tra­génitales est recommandée spécifiquement dans ces populations2,3.

Chez les partenaires sexuels d’une personne atteinte d’infection gono­coc­cique, il est recommandé d’effectuer des prélèvements par TAAN et une culture en fonction des endroits ex­posés (y compris les prélèvements extragénitaux s’il y a lieu)2.

Diagnostic (en présence de symptômes)

Chez les personnes présentant des symptômes compatibles avec une in­fection gonococcique, un TAAN et une culture sont recommandés. Le TAAN assure une bonne sensibilité pour détecter l’infection tandis que la culture permet de mieux orienter le traitement grâce aux résultats de l’analyse de sensibilité aux antibiotiques.

3. Doit-on toujours privilégier un traitement unidose par voie orale ?

Comme l’infection gonococcique pharyngée est plus difficile à éradiquer, il est préconisé de prescrire 250 mg de ceftriaxone par voie intramusculaire, accompagné de 1 g d’azithromycine par voie orale. Le traitement par voie orale (céfixime, 800 mg, et azithromycine, 1 g) est approprié pour les autres foyers d’infection gonococcique. La bithérapie comporte l’avantage de traiter une possible infection à Chlamydia trachomatis concomitante non détectée. Elle serait plus efficace pour le traitement de l’infection gonococcique et permettrait de retarder l’apparition de la résistance4,5.

Pour l’infection à Chlamydia trachomatis, l’azithromycine (1 g) par voie orale était jusqu’à récemment recommandée pour tous les foyers d’infection. Toutefois, la doxycycline (100 mg, 2 f.p.j. pendant 7 jours) est maintenant le premier choix pour le traitement des infections rectales à Chlamydia trachomatis4,5.

Lors du traitement d’une infection gono­coccique chez une personne ayant déjà fait une réaction allergique aux céphalosporines ou une allergie de type 1 à la pénicilline, c’est l’azithromycine (2 g) par voie orale qui est proposée. Cette monothérapie serait un peu moins efficace, et la possibilité de résistance doit être considérée. Au Québec, en 2014, 7 % des souches de Neisseria gonorrhoeæ analysées au Laboratoire de santé publique du Québec étaient résistantes à l’azithromycine6. Avant d’écarter un schéma thérapeutique plus efficace à cause d’une possible allergie, il vaut la peine de poser quel­ques questions sur les antécédents d’allergie. Les tableaux II4 et III4 présentent les différentes options de traitement.

En cas de symptômes ou de signes compatibles avec un syn­drome spécifique ou une complication, le traitement devrait être prescrit même sans avoir les résultats de laboratoire. Consultez le guide de traitement pharmacologique de l’INESSS pour les recommandations de traitement syndromique7.

4. Quelles sont les indications de tests de contrôle après le traitement ?

Pour l’infection à Chlamydia trachomatis, un test de contrôle post-traitement est recommandé seulement dans cer­taines situations4 :

h persistance ou apparition de signes ou de symptômes ;

h grossesse ;

h problème anticipé d’observance au traitement ;

h utilisation d’un schéma thérapeutique autre que ceux qui sont recommandés ;

h infection rectale traitée par l’azithromycine ;

h infection à Chlamydia trachomatis de génotype L1-3.

Dans le contexte de l’évolution de la résistance aux antibiotiques, un contrôle post-traitement est maintenant recommandé pour toutes les infections gonococciques. Certaines situations méritent une attention particulière4 :

h persistance ou apparition de signes ou de symptômes ;

h grossesse ;

h problème anticipé d’observance au traitement ;

h utilisation d’un schéma thérapeutique autre que ceux qui sont recommandés ;

h infection pharyngée ;

h monothérapie ;

h résistance à l’un des antibiotiques utilisés ;

h partenaire d’une personne chez qui une résistance à un des antibiotiques a été révélée.

5. Quand effectuer le test de contrôle ?

Idéalement, le test de contrôle doit être effectué le plus tôt possible pour ajuster le traitement en cas de persistance de l’infection et prévenir la survenue de complications. Cependant, faire le test de contrôle trop tôt après le traitement peut occasionner des résultats faussement positifs, notamment avec les TAAN, qui peuvent détecter des particules bactériennes non viables. Ainsi, un test de contrôle d’une infection à Chlamydia trachomatis se fera par TAAN, au moins trois semaines après le traitement8. Le contrôle d’une infection gonococcique peut avoir lieu par TAAN deux semaines ou plus après le traitement ou par culture trois jours ou plus après le traitement8. La culture a l’avantage de pouvoir détecter plus rapidement un éventuel échec au traitement et une résistance aux antibiotiques. Toutefois, sa sensibilité moindre peut amener des faux négatifs.

Ses partenaires ! En avisant les partenaires exposés pour qu’ils soient aussi évalués et traités, vous contribuerez à prévenir la réinfection de la personne infectée et la propagation de ces infections9. Vous n’avez pas à informer vous-même tous ces partenaires, mais vous pouvez :

Cas no 2

Vous avez effectué un dépistage d’ITSS chez Adrien et avez détecté une infection rectale à Chlamydia trachomatis. Les résultats de tous les autres prélèvements se sont révélés négatifs. Vous lui avez prescrit de la doxycycline (100 mg, 2 f.p.j., pendant 7 jours). Ce jeune HARSAH que vous voyez régulièrement pour un dépistage a été vacciné contre les hépatites A et B ainsi que contre le VPH. Qu’avez-vous oublié ?

h aborder le sujet de la notification des partenaires avec la personne infectée ;

h établir avec lui la liste des personnes avec qui il a eu des relations sexuelles jusqu’à soixante jours avant son prélèvement ;

h discuter avec lui de la façon dont il pense pouvoir aviser ses partenaires, des difficultés appréhendées et des solutions envisageables ;

h lui remettre une brochure et des cartes de notification ;

h lui proposer le soutien d’une tierce personne (ex. : infirmière, professionnel de la santé publique) pour informer les partenaires qu’il préfère ne pas aviser lui-même ;

h lui offrir d’évaluer et de traiter ses partenaires ou lui indiquer les services vers lesquels ils pourraient les orienter ;

h lui dire qu’un professionnel de la santé publique pourrait l’appeler pour une intervention préventive.

6. Quels tests effectuer chez les partenaires ? Quel traitement prescrire ?

Le dépistage des partenaires de personnes atteintes d’infection à Chlamydia trachomatis se fait de la même façon que le dépistage de cette infection en général (tableau I1).

Pour les partenaires de personnes atteintes d’infection gonococcique, des TAAN et des cultures seront demandés à partir de prélèvements des endroits exposés.

Le traitement des partenaires est généralement semblable à celui du cas-index. Pour les partenaires ayant eu une exposition orale à Neisseria gonorrhoeæ, deux options sont proposées (tableau III4).

Conclusion

Vous avez effectué les prélèvements indiqués, demandé les analyses appropriées, prescrit le traitement optimal, planifié le suivi de l’efficacité du traitement selon les indications et soutenu vos patients pour la notification des partenaires exposés ? Bravo ! Il ne vous reste qu’à déclarer les cas à la Direction de santé publique ! //

ce que vous devez retenir


h Pour assurer la prise en charge adéquate des patients infectés par Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeæ, il faut effectuer les prélèvements aux endroits exposés et demander les analyses appropriées, notamment la re­cher­che de Neisseria gonorrhoeæ par culture conformément aux recommandations.

h Il faut également prescrire les traitements et effectuer les tests de contrôle conformément aux recommandations les plus récentes.

h Il est important de soutenir la personne atteinte dans la notification des partenaires.

Pour en savoir plus...


h Fleury E, Laberge C, Roy S et coll. Guide québécois de dépistage des infections transmissibles sexuellement et par le sang. Québec : le Ministère ; 2016. 289 p.

h Ministère de la Santé et des Services sociaux. Brochure : « Entre ca­resses et baisers, une ITS s’est faufilée... il faut en parler » et les cartes de notification. Québec : le Ministère ; 2015. 7 p.

h Agence de santé publique du Canada. Lignes directrices canadiennes sur les ITSS. Ottawa : l’Agence ; 2016.

h Bignell C, Ison C, FitzGerald M. United Kingdom National Guideline for Gonorrhoea Testing 2012. Macclesfield : British Association of Sexual Health and HIV (BASHH) ; 2012. 13 p.

h Carder C, Mercey DM, Benn P. Chlamydia trachomatis UK Testing Guidelines. Macclesfield : British Association of Sexual Health and HIV (BASHH) ; 2010. 17 p.

h Bignell C, Fitzgerald M. UK National guideline for the management of gonorrhoea in adults. Macclesfield : British Association of Sexual Health and HIV (BASHH) ; 2011. 7 p.

h Barbier F, Belfis P, Bernard L et coll. Dépistage et prise en charge de l’infection à Neisseria gonorrhoeæ : état des lieux et propositions. Cedex : Haute Autorité de Santé de France ; 2010. 144 p.

h Labbé AC, Trudelle A, Venne S et coll. Lymphogranulomatose véné­rienne : avis sur le dépistage, la prise en charge clinique et la surveillance au Québec. Québec : INSPQ ; 2016.

Date de réception : le 29 février 2016
Date d’acceptation : le 12 avril 2016

La Dre Sylvie Venne n’a signalé aucun conflit d’intérêts. La Dre Annie-Claude Labbé a été conférencière pour Roche en 2015.

Bibliographie

1. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Prélèvement et analyses recommandés en fonction de l’infection recherchée chez les personnes asymptomatiques (dépistage). Québec : le Ministère ; 2014 (mise à jour 2016). 5 p.

2. Tétrault I, Trudelle A, Labbé AC et coll. Analyses de laboratoire recommandées lors du dépistage de Chlamydia trachomatis et de Neisseria gonorrhoeæ. Québec : l’Institut ; 2013. 63 p.

3. Dukers-Muijrers NH, Schachter J, van Liere GA et coll. What is needed to guide testing for anorectal and pharyngeal Chlamydia trachomatis and Neisseria gonorrhoeæ in women and men? Evidence and opinion. BMC Infect Dis 2015 : 15 : 533.

4. Institut national d’excellence en santé et en services sociaux. Guide de traitement pharmacologique de l’INESSS : Infection à Chlamydia trachomatis et Infection à Neissseria gonorrhoeæ. Québec : l’Institut ; 2015. 4 p.

5. Pogany L, Romanowski B, Robinson J et coll. Management of gonococcal infection among adults and youth: new key recommandations. Can Fam Physicians 2015 : 61 (10) : 869-73.

6. Lefebvre B, Labbé AC. Surveillance des souches de Neisseria gonorrhoeæ résistantes aux antibiotiques dans la province de Québec : rapport 2014. Québec : Institut national de santé publique du Québec ; 2014. 67 p.

7. Institut national d’excellence en santé et services sociaux. Guide de traitement pharmacologique de l’INESSS : Approche syndromique: cervicite et urétrite, épididymite/orchi-épididymite, atteinte inflammatoire pelvienne (AIP) et rectite. Québec : l’Institut ; 2015. 6 p.

8. Trudelle A, Labbé AN, Venne S et coll. Tests de contrôle à la suite de la détec­tion d’une infection à C. trachomatis ou à N. gonorrhoeæ : indications et analyses recommandées. Québec : Institut national de santé publique du Québec ; 2015. 39 p.

9. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Les partenaires sexuels, il faut s’en occuper. Québec : le Ministère ; 2016. 4 p.

Pour voir les tableaux, les figures ou les photos, référez-vous au pdf à la fin de cet article.