De médecin à enseignant

Comment planifier une intervention correctrice quand un stagiaire manque de professionnalisme ?

Suzanne Laurin, Marie-Claude Audétat et Gilbert Sanche | 1 novembre 2015

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Dans notre chronique de juillet 20151, nous avons abordé les différents problèmes de professionnalisme et les facteurs qui peuvent en être à l’origine. Voyons maintenant comment soutenir l’acquisition de comportements professionnels adéquats et mettre en œuvre, au besoin, des stratégies pour corriger les manquements.

Dans notre chronique de juillet 20151, nous avons abordé les différents problèmes de professionnalisme et les facteurs qui peuvent en être à l’origine. Voyons maintenant comment soutenir l’acquisition de comportements professionnels adéquats et mettre en œuvre, au besoin, des stratégies pour corriger les manquements.

La Dre Suzanne Laurin, médecin de famille, est professeure agrégée de clinique au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence (DMFMU) de l’Université de Montréal. Mme Marie-Claude Audétat est professeure adjointe de clinique au DMFMU. Elle est titulaire d’un doctorat en sciences biomédicales. Le Dr Gilbert Sanche, médecin de famille, est aussi professeur agrégé de clinique au DMFMU.

Soutenir l’acquisition d’un comportement adéquat en rendant explicite ce qui est implicite

Dans le milieu médical, les attitudes et les comportements attendus des stagiaires sont souvent implicites. Certains stagiaires réussissent assez bien à saisir les règles tacites et à s’y conformer alors que d’autres ont besoin d’un cadre plus clair. Pour éviter les malentendus, les cliniciens enseignants ont intérêt à dresser la liste, dès le début du stage, des responsabilités et des attitudes que les stagiaires doivent adopter et à les rappeler ou à les préciser si des écarts sont notés.

Selon Brownell et Côté, l’observation des enseignants constitue la principale source d’apprentissage du professionnalisme au cours de la résidence2. Dans cette perspective, les cliniciens enseignants doivent aussi prendre conscience de leurs propres comportements et du type de modèle qu’ils représentent pour leurs stagiaires. En effet, un clinicien enseignant peut difficilement exiger que ses stagiaires se comportent mieux que lui. Dans les situations où le comportement de l’enseignant ne respecte pas en apparence les règles du milieu, le clinicien veillera à en expliquer la raison afin de susciter la réflexion chez les stagiaires et de réduire le risque d’interprétations inappropriées.

La supervision clinique représente également une excellente méthode pour soutenir les comportements appropriés et corriger les petits écarts. En soulignant une attitude professionnelle ou encore en suggérant un comportement différent, le clinicien enseignant, en plus de confirmer que le professionnalisme est une compétence importante qui mérite d’être supervisée, permettra au stagiaire de bien comprendre ce qu’on attend de lui.

Le tableau I reprend les facteurs qui favorisent le professionnalisme.

Tableau I

Des principes de base et une démarche pour corriger les problèmes de professionnalisme

Lors d’une recension des principales interventions correctrices appliquées dans des facultés de médecine aux États-Unis et au Canada, Deborah Ziring et ses collègues ont relevé quatre actions susceptibles d’accroître le professionnalisme des étudiants : repérer les petits problèmes avant que la situation dégénère, mettre l’accent sur le professionnalisme à toutes les étapes de la formation, aider les étudiants pour leur permettre de s’améliorer plutôt que les punir et promouvoir la transparence et une bonne communication3.

Tableau II

Forts de ces principes, nous ne saurions trop recommander l’établissement rapide d’un plan d’intervention dans le but de corriger les comportements du stagiaire une fois le diagnostic pédagogique précisé.

Le tableau II rappelle les étapes, abordées dans notre chronique précédente, pour en arriver à poser un diagnostic de manque de professionnalisme.

Nous proposons, dans le tableau III, un processus général d’intervention correctrice.

Des stratégies d’intervention spécifiques adaptées au problème

Tableau III

En plus des stratégies générales que sont l’explicitation des attentes du milieu ou du cadre professionnel, la supervision et le « modèle de rôle », le traitement pédagogique des difficultés comprendra des interventions spécifiques adaptées aux particularités du problème du stagiaire et aux facteurs en cause. Au même titre que la toux peut être aussi bien un symptôme de pneumonie que de cancer, le comportement inadéquat d’un stagiaire peut constituer une manifestation d’un problème plus global qui ne peut être ignoré. Dans ces circonstances, le traitement isolé du symptôme a peu de chances d’être suffisant. Les tableaux IV et V proposent des exemples de stratégies spécifiques adaptées aux différentes causes des problèmes de professionnalisme.

Tableau IV

Les situations conflictuelles qui nécessitent une approche plus autoritaire

Bien que la plupart des stagiaires corrigent leurs problèmes de professionnalisme, il arrive malheureusement parfois qu’un stagiaire, malgré l’ouverture et la bienveillance des enseignants et du milieu de stage, s’oppose au plan pédagogique et persiste à agir de manière inadéquate. Lorsque les rencontres et les interventions ne donnent aucun résultat, il peut alors devenir nécessaire de mettre en place un cadre plus contraignant qui imposera au stagiaire des règles de conduite strictes. Les cliniciens enseignants veilleront à faire respecter ce cadre et à noter tous les écarts de conduite. Le responsable du stage transmettra aux responsables universitaires son évaluation de stage reflétant ces manquements, les observations des enseignants, le bilan des rencontres avec le stagiaire et les interventions tentées pour aider le stagiaire.

Encadré

Rappelons que, dans le cas d’un problème sérieux, même si le comportement du stagiaire change après ce type de plan d’intervention, l’évaluation de stage doit compter des cotes inférieures aux attentes puisqu’un stagiaire, peu importe son degré de formation, doit collaborer aux propositions qui visent à l’aider, sans qu’on ait besoin de faire preuve d’autorité ou de discipline4.

Conclusion

La résolution des problèmes de pro­fessionnalisme passe par la clarifica­­tion et l’explicitation des règles et des attentes des milieux de stage, par la mise en place rapide d’un processus d’identification des manquements, même petits, et par l’application de mesures correctrices adaptées à chaque situation. Bien qu’ils doivent favoriser une approche bienveillante, les cliniciens enseignants ne doivent pas hésiter à faire preuve d’autorité lorsque les stagiaires ne collaborent pas au plan de soutien et persistent à agir de manière inadéquate. Par ailleurs, ils doivent se rappeler qu’ils jouent un rôle de modèle et que leurs comportements avec les stagiaires, les patients et l’équipe clinique démontrent, au-delà des paroles, que le professionnalisme est une com­pé­tence importante qui doit être valo­risée et respectée. //

Tableau V

Bibliographie

1. Laurin S, Sanche G, Audétat MC. Comment le clinicien enseignant peut-il agir sur le professionnalisme de ses stagiaires ? Le Médecin du Québec 2015 ; 50 (7) : 65-7.

2. Brownell AK, Côté L. Senior residents’ views on the meaning of professionalism and how they learn about it. Acad Med 2001 ; 76 (7) : 34-7.

3. Ziring D, Danoff D, Grosseman S et coll. How Do Medical Schools Identify and Remediate Professionalism Lapses in Medical Students? A Study of U.S. and Canadian Medical Schools. Acad Med 2015 ; 90 (7) : 913-20.

4. Sanche G, Audétat MC, Laurin S. L’évaluation sommative. Le Médecin du Québec 2015 ; 50 (2) : 77-9.